Saturday, December 13, 2008

Confiance, autorité et responsabilité épistémique. Pour une généalogie de la confiance raisonnée

Draft. Do not quote. To be published in the proceedings of the conference "Confiance et Gouvernance", Namur, Belgique.


Confiance, autorité et responsabilité épistémique : pour une généalogie de la confiance raisonnée

Gloria Origgi
CNRS
Institut Nicod – EHESS - ENS
origgi@ehess.fr


Abstract: Dans cet article, je reconstruis une « généalogie » des raisons de croire les autres. Mon hypothèse c’est que la quête des raisons pour croire - que des individus autonomes et responsables doivent être capables d’articuler comme justification de leur confiance épistémique - est ancrée dans des modèles de la confiance morale et politique qui sont à la base de la conception d’individu qu’on retrouve à l’origine de la pensée contractualiste moderne. Je discute ensuite un modèle discursif de la confiance épistémique auquel j’adhère, en essayant néanmoins de le différencier de son homologue moral et politique qu’on retrouve dans le débat contemporain sur la démocratie délibérative.

Mots clé: confiance, croyance, autorité, responsabilité

1. Croire les autres

J’arrive à la gare d’une ville étrangère, je descends du train et je demande à une inconnue de m’indiquer la direction de la cathédrale de la ville, que je veux visiter. Bien sûr, je n’ai pas posé la question à n’importe qui : un monitorage rapide de l’environnement social autour de moi m’a fait pencher pour une personne avec un air « local » - non pas une touriste comme moi - une femme, que je sais plus bavardes et gentilles que les hommes, et d’un âge adulte, ce qui me rassure sur son expérience de la ville et de ses meilleurs parcours. Mais ce monitorage n’a été que très superficiel, presque instantané et sans que j’en prenne vraiment conscience. C’est ma façon spontanée d’explorer le monde social et d’en extraire des indices de compétence et de bienveillance qui orientent ma confiance. La dame répond à ma question, je la remercie et lui fais confiance, en suivant ses indications. Est-ce que j’ai la moindre raison de me fier à ce qu’elle dit ?
Croire les autres pour acquérir de l’information est l’une des pratiques épistémiques les plus courantes dans notre vie cognitive. Sans cette immersion permanente dans la vie sociale, sans ce partage de travail cognitif avec nos semblables, notre vie mentale ne serait pas très différente que celle des animaux. Ce constat est pourtant lourd des conséquences sur la vision que la tradition philosophique nous transmet d’un sujet épistémique autonome, responsable et capable de baser ses croyances sur des raisons bien fondées. Très souvent les raisons que nous avons de croire les autres ne nous sont pas claires, les biais et le préjugés sont nombreux, les tendances à déférer aveuglement à l’autorité bien connues. Nos jugements rapides sur la fiabilité des autres nous font commettre des nombreuses injustices épistémiques, pour utiliser l’expression de la philosophe Miranda Fricker , en donnant trop de crédit à certains et en en privant d’autres. Bref, la vision du sujet épistémique est transformée par l’introduction de la confiance dans nos processus d’acquisition des connaissances : repenser les raisons que nous avons de croire devient une tâche fondamentale d’une épistémologie qui s’ouvre à la dimension sociale de la connaissance.
Dans une certaine tradition épistémologique, la connaissance par le biais d’autrui est considérée comme une forme dégradée d’accès à l’information, une ressource que nous sommes obligés à utiliser faute de mieux, les raisons que nous avons de croire étant toujours valables seulement si maîtrisées par le sujet individuel. Ici, je défends une approche plus optimiste de la dimension sociale de la connaissance : faire confiance aux autres est une source primaire d’acquisition de savoir, indispensable à notre développement cognitif et à la stabilisation des structures sociales de production et transmission du savoir. Dans des sociétés à forte densité informationnelle, la confiance est un ingrédient fondamental de la connaissance, non substituable par des procédures d’acquisition de savoir individuelles. On pourrait dire d’ailleurs, comme l’ont soutenu nombreux philosophes , que même dans des sociétés traditionnelles, la confiance est un pilier de l’acquisition et du partage d’information, ce qui permet l’accumulation d’un pool de croyances partagées sur le monde qui constitue les rudiments d’une culture spécifique, stable et transmissible. Cette vision optimiste de la confiance comme « outil épistémique » d’acquisition des connaissances demande donc de repenser les critères d’autonomie et de responsabilité qu’un groupe social adopte pour que ce partage de savoir soit possible et fiable. Et pose aussi d’autres interrogations, notamment sur les rapports entre la confiance dans nos relations interpersonnelles, sociales et politiques et cette forme de confiance particulière qui est en jeu lors que nous croyons les autres pour acquérir de l’information sur le monde. Confiance morale et affective et confiance épistémique sont-elles liées et comment ? Est-il possible de reconstruire une généalogie différente de ces deux formes de confiance ? Est-ce que les critères de responsabilité individuelle que nous devons adopter lors que nous nous fions au discours des autres ont la même justification que ceux qui régissent nos relations de confiance dans la vie sociale ?
Il existe des nombreux travaux qui s’interrogent sur ces critères. Le travail magistral de l’historien Steven Shapin sur l’Histoire sociale de la vérité , explore la relation entre la constitution d’un modèle de « civilité » dans la modernité et l’établissement des nouveaux critères de vérité et crédibilité de la science expérimentale moderne. Il considère que la confiance dans la science expérimentale s’est établie au XVIIe siècle, en Angleterre, autour de la figure du scientifique gentilhomme désintéressé, cultivant ses recherches pour le pur plaisir de la connaissance et sans poursuivre d’ambition personnelle. La Royal Society of London naît comme une société de gentilshommes se reconnaissant mutuellement comme membres de la même caste. La crédibilité du gentilhomme est donc fondée sur sa réputation, son caractère moral et ses fréquentations. Shapin conclut donc qu’on ne peut pas séparer la construction d’une confiance épistémique de la construction d’un modèle de vie sociale, d’une vision partagée de « civilité » qui détermine les standards de vérité et de crédibilité. L’argument de Shapin soulève une question centrale à la compréhension du rôle de la confiance dans notre vie épistémique. Il insiste d’abord sur l’inséparabilité d’un modèle social de la confiance et des formes de crédibilité que ce modèle social promeut et renforce. Il présente ensuite un cas particulier d’un biais dans l’attribution de crédibilité qui se développe aux origines de la conception moderne de la science : la gentelmanry comme modèle de supériorité morale ancrée sur le désintérêt.

Dans cet article, je vais avancer les hypothèses suivantes : tout d’abord, comme le fait Shapin, je voudrais explorer davantage la relation entre différents modèles de la relation sociale et politique de confiance qui sont à l’origine de la notion de sujet responsable et l’essor d’une certaine conception de la confiance comme relation épistémique fondamentale qui nous tient liés les uns aux autres grâce à la reconnaissance d’un engagement réciproque à dire le vrai. Je proposerai donc une brève généalogie des trois modèles de la confiance morale et politique et essayerai d’expliquer comment ces modèles sont reliés à une notion de responsabilité individuelle qui trouve son origine dans la conception du sujet individuel qui est à la base de la conception moderne de la société comme contrat entre pairs. Mon hypothèse c’est qu’on ne peut pas comprendre la nécessité de donner des raisons de la confiance qu’on fait aux autres sans comprendre le rôle que la notion du sujet autonome et d’individu responsable joue dans l’histoire du concept moderne de société - de communauté choisie par les individus et réglée par un contrat. Faire confiance aux autres, croire leur parole, est une attitude qui appelle à la responsabilité individuelle de celui qui sait que sa confiance peut ne pas être réciproquée.
Dans la deuxième partie de l’article j’essayerai d’esquisser un modèle de confiance épistémique qui relève d’une conception « discoursive » de la responsabilité typique des démocraties délibératives. Ce modèle « communicationnel » de la responsabilité épistémique implique que c’est dans le discours que nous prenons nos engagements de vérité. Je vais insister néanmoins sur le fait que les pratiques et les contextes de communication font varier ces engagements d’une façon plus souple et variée que l’on reconnaît lors qu’on considère le discours comme source de normes dans un espace des raisons partagé.

1.1. Trois modèles de la confiance : confiance inconditionnée, confiance contractuelle et confiance dans l’autorité

Confiance inconditionnée et saut dans l’inconnu

Dans une conception paternaliste, pré-moderne, des relations de pouvoir, la confiance est fondamentalement un acte de soumission inconditionnée. Le seul sens moral de l’acte de confiance réside précisément dans son absence de motivation, dans son aveuglement vis-à-vis de toute raison. Dans cette tradition, la confiance coïncide avec la foi. Pour Kierkegaard, la confiance aveugle d’Abraham, qui se soumet au vouloir de Dieu en acceptant de sacrifier son fils Isaac, est la preuve d’une moralité qui va au-delà de l’éthique. Dans son livre Crainte et Tremblement, il décrit cet acte de foi d’Abraham, qui fait confiance à Dieu au-delà de tout espoir, comme une suspension des règles éthiques courantes, suspension qui crée une dimension de valeur différente, ancrée dans le geste d’être disposé à tout perdre, à tout sacrifier. Cette confiance aveugle, ce saut dans l’inconnu, est le paradigme de l’acte irrationnel qui doit être justifié par un engagement d’ordre supérieur à un autre niveau de responsabilité, de morale : la capitulation de la raison individuelle devant l’autorité absolue. Justifier un tel acte de confiance requiert un apparat moral et politique fondé sur des relations d’obéissance et de servitude vis-à-vis du pouvoir. Croire et obéir sans se demander pourquoi.
Or une donnée centrale de la pensée moderne est le questionnement de ce rapport traditionnel à l’autorité politico-religieuse : la confiance aveugle n’est pas acceptable à l’intérieur d’une morale de la modernité, qui voit dans la responsabilité la source de sa légitimation. Si nous souhaitons être responsables de nos choix et de nos décisions, suspendre volontairement son autonomie pour se remettre entre les mains d’autrui est un acte de servitude inacceptable. Il renvoie à la fidélité aux maîtres, aux relations à des autorités paternalistes, ce que la pensée politique moderne juge inadmissible : la confiance que Locke voit comme base des relations sociales et une confiance conditionnée, entre agents égaux, l’opposé d’une obéissance inconditionnée à des agents d’« ordre » supérieur. Se pose alors la question morale suivante : une confiance non calculée est-elle compatible avec une conception morale fondée sur la responsabilité ? Kierkegaard explique la moralité du saut dans l’absolu comme un acte de volonté qui contribue à fonder un ordre moral supérieur. Notre « faire confiance sans raison » crée une nouvelle dimension morale, transcendante par rapport à la morale courante. Certes, si on s’interroge sur la moralité intrinsèque d’un acte de confiance, au-delà des raisons, il est difficile d’éviter de retomber dans ce paradigme « irrationaliste » : si une confiance absolue, non calculée, peut être considérée comme intrinsèquement morale, c’est à la volonté qui est la sienne de créer un nouvel ordre moral qu’elle doit sa moralité ; l’acte même de confiance aveugle a le pouvoir - auto-réalisant - d’instaurer une nouvelle dimension de confiance. La confiance accordée par Abraham à Dieu n’est pas que celui-ci ne lui enlèvera pas ce qu’il a de plus cher au monde, son fils Isaac. Sa confiance est plus profonde : il accepte de vouloir tout ce qui, de bien ou de mal, lui vient de Dieu. De la même façon, Isaac suit son père sur la montagne parce qu’il a confiance en sa bienveillance mais, s’il ne se rebelle pas au moment d’être sacrifié, c’est parce que sa confiance en son père est indépendante du bien ou du mal qui peut découler de l’acte de celui-ci. Le philosophe de la religion Richard Swinburne soutient qu’on fait confiance à Dieu pour qu’il nous donne ce qu’on souhaite et que c’est donc aux choses voulues qu’on fait confiance. Dans cette acception religieuse, la confiance est plus qu’un simple optimisme, elle est un acte de volonté, qui crée un nouvel ordre moral et nous permet d’exaucer nos désirs autrement que par la rationalité pratique : en faisant confiance à ce que je veux, je donne à ce vouloir un sens nouveau que je peux réaliser dans une attitude nouvelle, tandis que si je ne fais pas confiance à mon objectif, je ne le réaliserai pas. Pour Herbert G. Wells, faire de la bicyclette, c’est comme s’engager dans une relation amoureuse : une question de foi. Tu y crois et ça marche, tu n’y crois plus et ça ne marche plus . Un acte de confiance inconditionnée créé un ordre éthique différent, qui n’est pas basé sur la raison, ou, au moins, sur des raisons partagées avec les autres : cet acte apparemment absurde de foi peut être jugé en termes d’une morale de la responsabilité seulement s’il se revèle producteur de nouvelles valeurs. Si cet acte de foi comporte un aspect moral dans l’assomption de responsabilité individuelle – Abraham, choisissant de croire, assume la responsabilité de fonder ce nouvel ordre moral – il ne pose pas la question de la responsabilité collective : c’est soi et son rapport à un pouvoir inconditionné qu’engage un acte de foi, tandis qu’un acte de confiance engage les autres. On pourrait dire cependant que ce pouvoir auto-réalisant de l’acte de confiance peut parfois engager aussi les autres dans un partage des valeurs communs qu’on ne savait pas de posséder avant qu’elles soient révélées par l’acte de confiance même : c’est le pouvoir « subversif » de l’acte de confiance lors qu’il arrive à engager les autres dans un partage de valeurs qu’ils ne soupçonnaient pas en eux-mêmes. Dans un film récent de Martin Scorsese, entièrement consacré aux différents types de relations de confiance (Les infiltrés, 2006 ; titre original : The Departed) , un des protagonistes, Billy Costigan, désormais pourchassé et par la police et par les malfaiteurs, fait confiance à la femme de son pire ennemi pour lui confier la preuve de la culpabilité de celui-ci. Ce geste - apparemment désespéré - est sa façon de révéler à lui-même et à elle qu’ils partagent des valeurs, dans ce cas d’honnêteté et de sincérité, qu’ils ne savaient pas d’avoir : l’acte même de confiance, la demande tacite qu’on fait à l’autre d’adhérer à nos valeurs, a le pouvoir subversif et performatif, au-delà des intérêts, des rôles partagés, de la réputation connue et des motivations, de révéler un monde de valeurs partagées, un monde souhaité dans lequel quelqu’un d’autre nous demande d’être à la hauteur de ces qualités, de ces vertus auxquelles nous voudrions être à la hauteur depuis toujours.

Le contrat de confiance de Locke

La confiance comme saut dans l’inconnu reste cependant un modèle de la confiance « exceptionnelle » sur lequel une société ne peut pas se baser. C’est une ressource individuelle, existentielle on pourrait dire, de « révolte » contre un ordre de valeur établi, ce qui rend ce concept peu viable pour fonder une société basée sur des contrats de confiance clairs et durables, ce qui est le leitmotiv de la littérature philosophique moderne sur le contrat social.
Le penseur qui a plus mis en valeur le rôle de la confiance dans la formation de liens sociaux durables entre individus responsables est sans doute John Locke.
La politique idéale, pour Locke, comporte la construction d’une entité collective coopérative, d’un accord rationnel liant une multiplicité d’agents libres, qui, sans savoir avec certitude ce que seront les actions d’autrui, peuvent cependant, dans une certaine mesure, se fier les uns aux autres. La légitimité d’un gouvernement a donc, pour Locke, des effets sur la confiance que ressentent les citoyens : un pouvoir légitime, qui fonde son autorité sur le consentement, est la condition préalable à l’essor d’une société civile dans laquelle existe une bonne dose de confiance personnelle entre ses membres. La confiance est pour Locke « le lien de la société » . Un lien fondé sur un mélange d’ingrédients : une disposition pré-sociale à la fides, nécessaire à la définition même d’individu, de sujet responsable, qui permet de prendre des risques en ayant confiance dans le fait que les autres tiendront leur parole ; un pacte social, qui permet un transfert des pouvoirs aux gouvernants grâce à un accord rationnel entre des sujets aux attentes responsables vis-à-vis de la fiabilité des institutions, auxquelles ils peuvent retirer leur confiance, tout en étant prêts à accepter la vulnérabilité que suppose la soumission à une organisation étatique dont le fonctionnement est complexe et sur lequel ils ont très peu de contrôle direct. La confiance n’est pas pour Locke une relation psychique entre le souverain et ses sujets, mais une prise de conscience responsable de la part de ceux-ci de l’irréversibilité d’une « division du travail » politique et de la responsabilité qui est celle du sujet politique dans le choix d’une distribution adéquate des droits et des devoirs.
On peut certes juger très optimiste cette vision lockienne de la politique idéale, un contrat entre pairs dans lequel différentes formes de confiance se renforcent mutuellement : confiance raisonnée les uns dans les autres, dans les gouvernants et dans les contraintes institutionnelles qu’on impose à leurs actions au travers des limitations constitutionnelles.
Pour que ce contrat de confiance se réalise Locke a pourtant besoin d’une disposition naturelle chez les êtres humains qui précède le contrat même : dans les Deux Traités sur le gouvernement, Locke précise que la fides réciproque, le devoir d’observer les engagements les uns envers les autres, est une composante de la nature humaine qui précède tout contrat et existe aussi dans l’Etat de Nature : « Car la vérité et le respect de la parole donnée appartiennent aux hommes en tant qu’hommes et non comme membres de la société » . Locke ancre ainsi sa vision de la confiance nécessaire à la construction d’une société de contrat à une certaine conception de la nature humaine, selon laquelle les individus assument la responsabilité de leur parole. C’est grâce à la reconnaissance de ce trait fondamental de la nature humaine – le respect de la parole donnée – que nous avons des raisons de nous fier aux autres. Dans une société européenne en forte transformation au XVIIème siècle, où aux liens de famille et de proximité se substituent en partie des liens commerciaux avec des partenaires distants, qui ne partagent pas forcement la même culture et les mêmes valeurs, le besoin de reconnaître dans les autres des semblables grâce à des propriétés et des vertus morales que l’on partage en tant qu’individus devient le refrain d’un époque d’ouverture au risque social et en même temps de constitutions des fondements modernes des institutions politiques.
Nous retrouvons la même insistance sur la gravité des mensonges chez Montaigne :

« C’est un vilain vice que du mentir […] Notre intelligence se conduisant par la seule voie de la parole, celui qui la fausse, trahit la société publique. C'est le seul outil, par le moyen duquel se communiquent nos volontés et nos pensées : c'est le truchement de notre âme : s'il nous faut, nous ne nous tenons plus, nous ne nous entrecognoissons plus. S'il nous trompe, il rompt tout notre commerce, et dissout toutes les liaisons de notre police » .
La responsabilité individuelle de tenir sa parole crée donc un lien profond entre les personnes : celui qui nous trompe sort d’un contrat moral de confiance implicite qui règle notre vie sociale.
La même interdiction morale à mentir nous la retrouvons chez Kant, qui soutient que le mensonge ne peut jamais être justifié dans n’importe quelle circonstance :
« Je m'aperçois bientôt ainsi que si je peux bien vouloir le mensonge, je ne peux en aucune manière vouloir une loi universelle qui commanderait de mentir; en effet, selon une telle loi, il n'y aurait plus à proprement parler de promesse, car il serait vain de déclarer ma volonté concernant mes actions futures à d'autres hommes qui ne croiraient point à cette déclaration ou qui, s'ils y ajoutaient foi étourdiment, me payeraient exactement de la même monnaie : de telle sorte que ma maxime, du moment qu'elle serait érigée en loi universelle, se détruirait elle-même nécessairement ».

Dans son échange célèbre avec Benjamin Constant, qui lui soumettait un exemple d’exception possible à la loi universelle de tenir sa parole, Kant réaffirme l’impossibilité d’une norme qui admettrait le mensonge en quelques circonstances, peine le désordre social et l’incommunicabilité. Si jamais il nous arrive de mentir pour nos fins, même nos fins les plus nobles, comme celui de sauver la vie à un innocent, ceci doit être vu comme une exception contingente à une loi universelle qui maintient l’interdiction de mentir et non pas comme une possible modification de la norme universelle :

La véracité dans les déclarations que l’on ne peut éviter est le devoir formel de l’homme envers chacun quelque grave inconvénient qu’il en puisse résulter pour lui ou pour un autre ; et quoique, en y en altérant la vérité, je ne commette pas d’injustice envers celui qui me force injustement à le faire, j’en commets cependant une en général dans la plus importante partie du devoir par une semblable altération, et dès lors celle-ci mérite bien le nom de mensonge .




Pour Kant aussi, cette exigence profonde de tenir sa parole est ancrée dans la confiance dont nous avons besoin afin de pouvoir interagir les uns avec les autres et faire des prédictions sur les actions futures des autres. Si ce qu’ils nous disent n’est plus contraint par leur responsabilité à agir en conséquent, alors les normes de l’agir social sont perdues et la coordination et coopération collective impossibles.
L’intuition lockéenne d’une nature humaine responsable de sa parole s’ancre donc dans une tradition forte de conceptualisation de l’individu comme d’un agent responsable et autonome. La confiance sociale, base de toute construction de la société publique requiert donc une certaine conception de l’autre en tant qu’agent fiable au moins dans son engagement à respecter sa parole. Il est intéressant de remarquer que la naissance du concept moderne de société va de pair avec la naissance d’un concept d’individu comme agent autonome et responsable. Bref, pas de société sans individus responsables, car si on ne peut pas se fier aux autres le contrat social ne peut même pas commencer. C’est ce paradoxe qu’Hobbes aborde lorsque il se demande comment les êtres humains sortent d’un état de nature dans lequel ils sont défiants l’un de l’autre. Si on ne présuppose pas tant de vertus chez les hommes et les femmes dans l’état de nature, qui fait le premier pas pour en sortir ?


1.1.1.1 Défiance et confiance dans l’autorité.

Cet idéal politique vu par Locke, dans lequel autorité, légitimité et confiance vont de pair, est bien différent des propositions d’autres penseurs contractualistes, tel Thomas Hobbes par exemple, selon lequel il n’y a pas de disposition naturelle à tenir sa parole. Pour Hobbes, le contrat social est fondé sur la défiance entre les individus : l’état de nature hobbesien conduit à une impasse, qu’on pourrait représenter par le dilemme du prisonnier : les hommes étant tous nés égaux en raison de leur force, leurs ambitions de réalisation de leurs objectifs sont les mêmes et ils se mettent à désirer la même chose, qu’un seul d’entre eux cependant peut obtenir. À partir de là se développent entre eux la haine et une défiance à entreprendre quelque activité que les autres, dans la poursuite de leurs intérêts personnels, pourraient détruire. La défiance crée ainsi une impasse généralisée dans l’état de nature, comme dans le dilemme du prisonnier, où on se contente d’un résultat moins satisfaisant parce que les risques qu’il y aurait à s’engager dans la stratégie conduisant au meilleur résultat sont trop grands, vu le degré élevé d’incertitude où on se trouve sur ce que peut être l’action de l’autre joueur. Les hommes décident donc de transférer leurs droits naturels par contrat à un souverain afin qu’il assure leur survie. Mais un tel contrat, passé entre des personnes n’ayant aucune confiance mutuelle, est un contrat vide . Pour qu’il ne le soit pas, il faudrait qu’existe une autorité commune qui ait le pouvoir de contraindre leurs actions intéressées et mutuellement destructrices. Un contrat est alors établi qui assure la confiance entre le peuple et le souverain, non entre les individus. La légitimité du souverain se base donc sur des rapports de défiance entre individus. Tandis qu’elles convergent chez Locke, confiance politique et confiance sociale divergent chez Hobbes.
Dès lors, c’est de façon très différente que s’articulent chez l’un et l’autre auteurs la question, centrale dans la naissance de la pensée politique contractualiste, des rapports entre confiance et légitimité : pour Locke, la légitimité du souverain est ancrée dans une société de confiance mutuelle ; pour Hobbes, dans le choix que font les sujets, par peur les uns des autres, de transférer leur pouvoir au souverain. Le Léviathan personnifie et incarne tous les membres de la société dans une unité qui, seule, a le pouvoir de décision. Une fois que le contrat social a créé cette unité supérieure, la possibilité de désaccord n’existe plus, les sujets devant considérer le jugement du souverain comme s’il s’agissait du leur. La relation de confiance est donc, chez Hobbes, une relation asymétrique, qui introduit un déséquilibre du pouvoir afin de sortir de la méfiance généralisée qui est celle de l’état de nature. Tandis que, chez Locke, ayant d’abord été établie entre les individus grâce à l’engagement par chacun de tenir sa parole, la relation de confiance est une relation d’équilibre entre pouvoir politique et société civile. On pourrait résumer ce qui précède en disant que, pour Locke, le contrat social est ancré dans la confiance alors que, pour Hobbes, c’est la confiance (dans le souverain) qui est ancrée dans le contrat.
Il est important de souligner l’originalité de la conception lockéenne de la confiance par rapport à l’idée, répandue au XVIIe siècle chez les théoriciens du droit naturel, d’un rôle de la promesse comme acte de langage fondamental à la base de la possibilité même de coopérer. Même s’il souscrit à ce point de vue, Locke considère que la confiance ne peut dépendre uniquement de nos actes de paroles : toute confiance est basée sur des attentes à propos des actions des autres, et ces attentes peuvent être déçues. La confiance implique donc la possibilité de sa trahison : la rationalité d’un acte de confiance comporte la capacité de prendre en compte qu’une faillite de la coopération est possible. En ce sens, comme le dit bien John Dunn, la confiance est « un dispositif pour faire face à la liberté des autres ». C’est cet élément d’incertitude, de confiance conditionnée aux « bonnes » actions de l’autre, qui fonde le lien entre confiance et légitimité du gouvernement. Locke l’exprime clairement dans Deux traités sur le gouvernement, un des textes fondateurs du libéralisme moderne, qui représente une mise en question radicale de tout pouvoir inconditionnel (du père sur ses enfants, de l’homme sur sa femme, du souverain sur ses sujets). Selon lui, en l’absence d’autorité naturelle ou de descendance divine, la légitimité de quelque autorité politique que ce soit dépend de la confiance que les sujets font à leur souverain, une confiance entendue comme un ensemble d’attentes raisonnables de leur part vis-à-vis de l’action du gouvernement. Locke distingue les sociétés civiles - celles dans lesquelles le pouvoir de coercition du souverain découle du consentement des citoyens – d’autres types de sociétés, dans lesquelles la coercition est la même mais où l’autorité pour l’exercer ne découle pas de ce consentement. Une société civile n’est donc pas sans coercition, mais celle-ci est exercée par une autorité qui a reçu la confiance des citoyens. Un gouvernement dépourvu de cette confiance n’a aucune légitimité et, vice-versa, une autorité illégitime ne reçoit pas la confiance de ses sujets - même si les souverains illégitimes affirment très souvent le contraire. Faire confiance aux autorités gouvernementales signifie donc leur donner la liberté d’agir en notre nom, sûrs que nous sommes qu’elles prendront en compte nos droits et nos intérêts.

1.2. Généalogie de la confiance raisonnée

Ce long tour de force aux origines de la pensée politique moderne est une amorce de généalogie d’une notion de confiance basée sur des responsabilités et des raisons autonomes. L’origine de la confiance raisonnée, celle qui est justifiée par nos raisons et engagements, est à reconstruire dans la conception des individus qui émerge avec la vision contractualiste de la société dans la philosophie politique moderne. Des individus égaux se fient les uns les autres car ils sont justifiés à s’attribuer des vertus typiquement humaines, comme celle de tenir sa parole. On se reconnaît en tant que personnes car on tient sa parole, ce qui nous rend des individus responsables de nos actions, et donc membres fiables d’une société de contrat. On pourrait définir la confiance comme la relation symétrique de la promesse : je te donne ma parole, tu me donnes ta confiance. Promettre c’est demander à l’autre sa confiance, ainsi que faire confiance c’est créer sur l’autre une pression normative à tenir sa promesse. Ces engagements normatifs indispensables pour créer des liens sociaux sont assurés par des individus conçu comme agents autonomes et responsables.
Nous retrouvons cette conception de la confiance raisonnée dans les conceptions contemporaines de la confiance épistémique. Croire les autres pour acquérir de l’information c’est un choix rationnel et autonome qui repose sur une prise en compte de la compétence et de la bienveillance de nos informateurs. C’est ainsi que l’épistémologue John Hardwig soutient que parmi les raisons d’une justification rationnelle d’une connaissance peut se trouver la confiance. Bien qu’un individu peut ne pas avoir les raisons ni les preuves dont dispose son informateur pour affirmer le fait que p, il peut néanmoins savoir que p par le biais d’un autre parce qu’il peut estimer rationnellement que la connaissance que son informateur a de p est d’une qualité épistémique supérieure à celle qu’il pourrait acquérir tout seul. Une des raisons de faire confiance aux nouvelles que je lis dans le journal à propos d’un nouveau virus de grippe très dangereux en provenance de Chine c’est que je suis capable de juger que les moyens dont je dispose pour m’informer moi-même de cet événement me fourniront une connaissance plus pauvre et biaisée que celle que je peux lire sur le journal. Les justifications rationnelles de ce type ont toujours un caractère normatif : c’est les bonnes raisons de croire qui nous intéressent, c'est-à-dire les raisons pour lesquelles il existe une norme d’acceptabilité. Or, dans le cas de la confiance, ces raisons peuvent se baser sur deux types de normes : des normes épistémiques, qui prennent en compte la compétence des informateurs, et des normes morales, qui assurent la bienveillance et le respect d’un code partagé dans le passage d’information. La confiance épistémique est donc rationnelle si elle se base sur des normes de conduite que l’on peut attribuer aux autres, au moins à l’intérieur d’une communauté qui partage des valeurs communes. Sans une conception de l’autre comme d’un être responsable, qui agit sur la base d’une rationalité et d’une moralité partagées, la confiance ne serait pas une stratégie épistémique rationnelle.
Une alternative au modèle normatif des raisons basées sur les valeurs, c’est le modèle des raisons basées sur les intérêts, qui reprend la conception hobbesienne de la confiance. Si on ne peut faire confiance à la sincérité ou à la bienveillance des autres, on peut néanmoins calculer les intérêts que les autres ont à ne pas nous tromper : si on travaille dans la même institution scientifique, un partage honnête de l’information peut intéresser les deux parties, car le prix de l’exclusion de la communauté pour avoir passé une information fausse est trop élevé, ou car on peut calculer qu’on aura besoin dans le futur de la même bienveillance de la part des collègues pour poursuivre la recherche…Ici aussi on se retrouve devant un modèle d’individu rationnel – dans ce cas dans la maximisation de ses intérêts – qui sert de base à un modèle de la confiance épistémique.
En conclusion, la confiance épistémique raisonnée repose sur des modèles de l’interaction rationnelle entre individus qui fondent notre concept moderne de sujet rationnel. Voyons comment une conception discursive de l’individu peut fournir une intuition différente sur la confiance raisonnée.

1.3. Confiance raisonnée et discours : une approche pragmatique de la confiance.

Les approches de la confiance que je viens d’analyser partagent le même présupposé, c'est-à-dire que les raisons de faire confiance sont fondées sur une conception de l’agent rationnel qui nous permet d’attribuer a priori aux autres certaines qualités, comme si la confiance que nous leur accordons dépendait de quelque chose que nous savons d’eux ou que nous pouvons découvrir sur eux. Or, les contextes dans lesquels les liens de confiance épistémique se forment sont normalement des contextes de discours où l’échange de parole participe à la construction de la confiance réciproque. Nous croyons la parole des autres non pas seulement car nous avons certaines garanties sur leur fiabilité morale ou épistémique, mais parce que l’acte même de parole crée des attentes réciproques d’ordre normatif sur la conduite des nos interlocuteurs. Nous nous attendons à qu’un acte de parole soit motivé par une intention de nous informer sur quelque chose de pertinent pour nous, même si cette intention n’est pas motivée par de la bienveillance à notre égard. Dans les contextes de communication, nous adoptons une posture de confiance qui nous dispose à croire ce que les autres nous disent sans pourtant devenir crédules : c’est la posture qu’il nous faut partager pour que le discours devienne un espace des raisons partagées et donc un espace générateur des valeurs. La spécificité de l’acte discursif tient à la responsabilité mutuelle des interlocuteurs vis-à-vis de leurs paroles respectives, de leur engagement délibéré à assumer la responsabilité de leurs pensées. La confiance engendrée dans les contextes discursifs est donc une confiance basée sur l’engagement réciproque et délibéré.
Cette perspective discursive sur la confiance épistémique rejoint elle aussi un modèle de société fondée sur un partage des raisons dans le discours publique, notamment le modèle de démocratie délibérative, qu’on pourrait voir comme une version contemporaine du contractualisme, visant à comprendre la construction effective d’une confiance partagée dans l’espace publique. Jürgen Habermas est l’un des penseurs qui a mieux articulé cette position. Selon lui, la légitimité d’une décision ou d’une action politique dépend de son acceptabilité à l’intérieur d’un discours partagé entre citoyens et institutions qui respecte des normes d’intelligibilité et de rationalité. Les normes pragmatiques du discours rejoignent donc ses normes morales et politiques et également les normes épistémiques de sincérité et compétence.
Mais ce que je voudrais essayer de suggérer en conclusion c’est qu’une application trop rigide des modèles provenant de la pensée politique et sociale à la confiance épistémique risque de ne rendre pas compte de la spécificité de la relation proprement épistémique de confiance. Prenons l’exemple du modèle délibératif de la confiance épistémique - dont je partage l’intuition de fond sur l’importance des engagements de responsabilité sur ce qui est dit . Ce modèle implique un partage des raisons qui devrait être suffisant à engendrer des standards de vérité toujours pareils. Or, les contextes de communication sont très différents, et les normes épistémiques qui règlent la communication dans ces contextes très variables. Une conversation à un dîner mondain sur la présence d’un programme nucléaire en Iran engage le locuteur à des standards épistémiques beaucoup plus souples que les mêmes déclarations faites par un ministre des Affaires Etrangères. Les normes épistémiques ne sont pas donc données simplement par la prise en compte d’un espace des raisons partagées, mais aussi par la prise en compte des contextes et des enjeux du discours, bref, elles sont en partie construites et acceptées dans la dynamique de la communication. C’est la responsabilité cette fois-ci du plus vulnérable, de celle ou celui qui reçoit une information sur laquelle il n’a pas d’autre sources de vérification que la parole de son interlocuteur, de « doser » les normes épistémiques d’une façon telle à rendre la communication possible et en même temps à se protéger de la variabilité des contextes. La confiance épistémique requiert donc une responsabilité partagée, et pas toujours négociée, entre locuteurs et auditeurs.

REFERENCES

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CLEMENT, F.; KOENIG, M.; HARRIS, P., 2004, “The Ontogenesis of Trust”, Mind & Language, 19, pp. 360-379.
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Monday, December 08, 2008

Du vin et du web


Soirée Science 2.0
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Entretien avec Marc Foglia publié dans rue89

Interview avec Gloria Origgi, chercheuse au CNRS, s’intéresse au phénomène de la croyance, à la construction des valeurs, et plus spécifiquement à la manière dont le web modifie et accélère la construction de la connaissance collective.

Je voudrais revenir sur le bel article [1] que vous avez publié dans La Vie des Idées, sur « la passion d’évaluer ». Avant de travailler sur le fonctionnement de la réputation sur Internet et ses effets, vous aviez étudié la réputation dans le monde du vin?


Lorsqu’on entre en contact avec un domaine de connaissance nouveau, ce sont les opinions des autres, leurs valeurs et préférences qui déterminent notre accès aux faits.

Le vin était donc pour moi un prétexte intéressant pour développer mes travaux en épistémologie. J’ai observé des novices adultes entrer en contact avec un corpus culturel nouveau, auquel ils doivent apprendre à donner de la valeur.

Quand ils souhaitent acheter une bouteille, les gens doivent d’abord s’orienter, se créer un paysage dans lequel ils pourront se retrouver. Les systèmes de classification du vin changent, évoluent -surtout sur les marchés nouveaux- mais il ne s’agit pas d’une simplification.

Il s’agit plutôt d’une différenciation de plus en plus fine, qui permet de stocker sur une étiquette une grande quantité d’indices réputationnels sur la qualité du vin.

Dans notre société à forte densité informationnelle, que ce soit sur Internet, ou dans un hypermarché avec des centaines de bouteilles de vin sur les rayons, le filtrage de l’information et les échelles de valeur prennent une importance essentielle. Comment s’acquiert cette information sur l’information? L’opinion des autres opère un filtrage.

Dans votre article, vous décrivez un nouvel âge de l’Internet : l’âge du filtrage de l’information aurait succédé à l’âge du stockage. Comment peut-on décrire la courte vie de l’Internet, quelles étapes se dégagent aujourd’hui? Comment caractérisez-vous l’âge actuel, est-ce l’âge de la maîtrise, après celui de l’enthousiasme?


Je suis convaincue que nous nous trouvons face à un changement de paradigme fondamental dans notre rapport à la connaissance: de l’âge de l’information, nous sommes en train de passer à l’âge de la réputation, dans laquelle l’information n’aura de la valeur que si déjà filtrée, évaluée et notée par les autres.

Il s’agit d’une transformation radicale, due en partie aux nouveaux moyens techniques de diffusion de l’information, et surtout à l’usage social de ces moyens.

Depuis la création du PageRank, en 1998, il n’y a pas eu d’innovation technique décisive dans l’Internet. Les innovations sont venues plutôt du versant des applications sociales sur le web.

Je vois un contraste énorme entre la créativité d’avant 2000, et la normalisation après l’éclatement de la bulle et le changement de gouvernement aux Etats-Unis.

L’administration Clinton (en particulier Al Gore) a intensément soutenu le développement de l’Internet: à la fin des années 90, les Etats-Unis disposaient d’un potentiel unique au monde, et dont ils entendent bien faire profiter le monde entier. Après, avec l’administration Bush, l’âge de glace commence.

Dans les années 90, ce sont des politiques institutionnelles qui ont rendu possible la créativité sur l’Internet: ainsi, la norme « end-to-end », selon laquelle l’intelligence est concentrée aux extrémités du réseau, dans les différentes applications créées par différents opérateurs (modems, programmes « client » comme Eudora, Skype, etc.) fait que personne n’a le droit de s’approprier le réseau.

En France, on avait le Minitel, mais sa situation propriétaire et monopolistique a énormément limité son potentiel d’innovation. Les débuts d’Internet ont été marqués à l’inverse par des idéaux libertaires : il s’agissait de créer un bien commun, de faire en sorte que tous puissent en profiter.

A des idéaux libertaires ou anarchistes, on a ajouté un zeste de collectivisme. L’information sur Internet est un bien qui ne s’épuise pas dans son usage collectif: cela contredit l’idée des économies de marché selon laquelle seule la propriété privée garantirait un usage des ressources raisonnable.

L’essor de l’idéologie libertaire explique en partie pourquoi il est si difficile, encore maintenant, de trouver un modèle économique pour l’Internet.

Il y a trois niveaux de douane susceptibles de rémunérer des investissements: le droit d’accès au contenu, le droit d’accès au code, et le droit d’accès au câble. L’innovation apportée par certaines inventions du web 2.0, comme les blogs, a été de supprimer les deux premières barrières.

Depuis 2001, ce n’est plus la question technologique qui domine, c’est la question de la participation, qui est une question sociale et politique.

Le filtrage des informations serait d’autant plus justifié que l’on se trouve en contexte d’incertitude. Quel est le rôle du jugement, de la responsabilité individuelle? Est-ce que l’on peut parler de sagesse collective sur Internet?

Internet d’aujourd’hui est devenu principalement un outil social de traitement automatisé d’une énorme quantité d’informations. Le web 2.0, ou web social, tient compte des préférences individuelles en les agrégeant: lorsqu’un internaute crée un lien, il met à disposition des autres une préférence individuelle.

Le web est d’un coté la réalisation d’un rêve de collecte d’information issu du libéralisme. Pourquoi le marché est-il si important selon Friedrich Hayek [figure de proue de la pensée économique libérale, ndlr])? Parce que le marché fixe un prix, et que le prix est l’indicateur d’informations éparpillées dans la société.

Aujourd’hui, le prix est un indicateur dépassé. On ne sait pas grand-chose d’un individu si l’on sait qu’il achète une bouteille à 3 euros, 5 euros ou 8 euros. L’agrégation d’informations utiles ne passe plus par le prix, mais par des systèmes de filtrage collaboratif des informations beaucoup plus sophistiqués. C’est d’ailleurs la transformation la plus intéressante du web depuis une dizaine d’années.

Il faut néanmoins être conscient de ce que les processus de formation de la sagesse collective varient énormément d’un système à l’autre. Prenez Google, prenez Wikipedia, c’est très différent: l’individu n’a qu’une influence très indirecte sur le PageRank en créant des liens, dont le poids est ensuite manipulé par des algorithmes qu’il ne contrôle point, alors qu’il peut intervenir directement sur un article de Wikipedia.

Lorsque Google a commencé, les internautes n’étaient pas conscients que le référencement pouvait être payant. C’est une intervention institutionnelle, une loi, aux Etats-Unis, qui a obligé les moteurs de recherche à séparer visuellement ce qui fait l’objet d’une promotion commerciale. Ces biais des systèmes sont mal connus, et je trouve que leur maîtrise devrait faire partie d’une éducation à leur usage.

Traditionnellement, la sociologie avait un rôle à jouer dans l’étude des comportements sociaux, et la philosophie s’impliquait dans l’étude du sens… Comment concevez-vous votre travail sur l’objet Internet?


Mon travail se situe dans la ligne directe de mes autres travaux d’épistémologue. Comment la connaissance est-elle produite, diffusée, stockée?

Il était pour moi impossible de rester indifférente à Internet. L’objet Internet n’a toutefois rien d’une reconversion: c’est ma façon d’étudier le design de la connaissance, qui est l’objet même de l’épistémologie.

Il reste difficile de faire passer Internet dans la culture académique, comme vous en avez également fait l’expérience, même si tous les universitaires utilisent les e-mails, Wikipedia, Facebook, Google, etc. Ces activités ne font pas partie de l’activité officielle d’un chercheur, alors que cela représente sans doute 80% de son activité réelle…

Dans le cadre d’un projet européen auquel je participe comme épistémologue, LiquidPublications [2], nous sommes en train de concevoir une nouvelle façon de produire la science, de valoriser toute l’activité d’un chercheur, en prenant en compte les outils sociaux du web 2.0.

La question, aujourd’hui, c’est que la plus grande partie de l’activité d’un chercheur n’est pas prise en compte dans l’évaluation de sa carrière scientifique.

C’est l’un des messages que j’essaye de faire passer au niveau européen, auprès de l’European Research Council, et même en France, où je collabore avec les projets du CNRS qui essayent de remettre en question les pratiques de diffusion de la recherche (comme le projet TGE Adonis [3].

Je pense qu’il faut passer d’une conception statique de la connaissance, incarnée aujourd’hui par l’article de recherche, à une conception dynamique, nécessairement plus collective.
URL source: http://www.rue89.com/innovation/2008/11/02/du-vin-au-web-20-comment-la-sagesse-collective-se-forme

Liens:
[1] http://www.laviedesidees.fr/Sagesse-en-reseaux-la-passion-d.html
[2] http://liquidpub.org/
[3] http://www.tge-adonis.fr

Saturday, November 15, 2008

La mamma di Obama


Do not quote without permission. Copyright MicroMega 2008


E’ una donna che ha vinto le elezioni americane: è Stanley Ann Dunham, nata nel 1942 e morta di cancro nel 1995 ad appena 53 anni senza così vedere il suo sogno visionario realizzato, l’elezione di suo figlio Barack Hussein Obama a quarantaquattresimo presidente degli Stati Uniti. Il nome maschile le fu imposto dal padre, Stanley Dunham, che avrebbe preferito avere un figlio maschio. Unica figlia di Stanley e di sua moglie, Madelyn Payne, Stanley Ann fu una ragazza anticonformista e una madre solitaria, convinta di poter educare i suoi figli per prepararli a un mondo nuovo, globale e multiculturale, un mondo che non era certo presente nel suo quotidiano di bambina middle class di un’anonima cittadina del Kansas. Barack - Barry – come lo chiamava lei, è una sua creatura, il frutto di una paziente, attenta ed amorosa educazione che fu l’impegno della sua vita, tanto vedeva nei suoi due figli misti lo specchio di un futuro prossimo migliore, che pacifica nel caldo mélange del sangue le false opposizioni, gli odiosi sensi di appartenenza, le unreal loyalties, come le chiamava Virginia Woolf, che tanto ci rassicurano nel disperato bisogno di identità sociale di cui la nostra specie è vittima.

Al tempo della sua nascita, il 4 agosto 1961, suo figlio Barack era considerato ancora in metà degli stati americani il prodotto criminale di una miscegenazione, incrocio di razze, obrobrioso ibrido biologico la cui possibilità di esistenza non era semplicemente contemplata e i suoi autori puniti con la prigione. Parola impronunciabile oggi, termine coniato negli Stati Uniti nel 1863, con falsa etimologia latina, da miscere più genus, ad indicare la supposta differenza genetica tra bianchi e neri, la questione della miscegenazione diventa cruciale proprio durante gli anni della guerra civile americana e della conseguente abolizione della schiavitù, perché va bene dare diritti civili ai non bianchi, ma permettere relazioni intime tra bianchi e neri è un’altra storia. Il termine si trova per la prima volta nel titolo di un pamphlet pubblicato a New York, Miscegenation: The Theory of Blending of the Races, Applied to the American White Man and Negro, in cui l’anonimo autore rivelava che il progetto del partito repubblicano, che aveva sostenuto l’abolizione della schiavitù, era quello di incoraggiare al massimo il mélange di bianchi e neri affinché le differenze razziali si attenuassero sempre di più fino a scomparire. Si scoprì presto che si trattava di un falso, confezionato dai democratici per far inorridire i cittadini americani davanti all’intollerabile progetto repubblicano di un auspicabile métissage. Il delitto di miscegenazione fu definitivamente abolito nel 1967, quando la Corte Suprema degli Stati Uniti sentenziò che le leggi anti-miscegenazione erano anticostituzionali, in risposta al famoso caso giudiziario Loving vs. Virginia in cui una coppia mista sposata fu condannata a un anno di prigione e a lasciare lo stato della Virginia per il solo fatto di essere stata trovata a letto sotto lo stesso tetto: il certificato di matrimonio appeso sopra il letto nuziale non fu considerato valido dai poliziotti che avevano scassinato la porta di ingresso e, armati di fucili, avevano pestato e umiliato i giovani sposi, perché era stato rilasciato in un altro stato che non condannava la miscegenazione. I fatti avvennero nel 1959 e la coppia dovette aspettare 8 anni per vedere infine riconosciuta la propria innocenza e l’indecenza morale di ciò che avevano subito.

Bisogna provare a immaginarsi quell’America per capire il coraggio di Stanley Ann, che si sposò incinta di quattro mesi a diciotto anni con il giovane e brillante studente kenyota Barack Obama senior., il primo africano ad essere accettato all’università delle Hawaii. Lui aveva 25 anni. Era arrivato alle Hawaii nel 1959 grazie a una borsa di studio del governo kenyota sponsorizzata anche dagli Stati Uniti per aiutare gli studenti africani più dotati a formarsi nelle università americane, per poi rientrare in patria e costruire nuove élites competenti e moderne. Cresciuto ai bordi del lago Vittoria, in una famiglia della tribù Luo, Barack senior aveva passato l’infanzia ad occuparsi del bestiame di suo padre, uno dei capi della tribù, e a frequentare la scuola del villaggio. Una prima borsa di studio gli aveva permesso l’accesso a un liceo di Nairobi. Alle Hawaii era arrivato per studiare economia, e si laureò in tre anni con i migliori voti della sua classe. Incontrò Stanley Ann a un corso di russo, che lei seguiva probabilmente attirata da quel paese così diverso dagli Stati Uniti, che le faceva sognare nelle lontane Hawaii la realizzazione dei suoi sogni di giovane atea marxista.
Stanley Ann era una ragazza timida, studiosa e sognatrice. Era nata a Fort Leavenworth in Kansas, dove il padre faceva il servizio militare. I suoi genitori, entrambi del Kansas, si erano conosciuti a Wichita, la più grande città del Kansas, nel 1940. La madre veniva da una famiglia rispettabile, gente che non aveva mai perso il lavoro nemmeno durante la grande depressione, e che viveva decentemente grazie a una concessione a una compagnia petrolifera sulle loro terre. Il padre veniva da una famiglia più difficile e modesta economicamente: cresciuto dai nonni, era diventato da adolescente particolarmente ribelle e scontroso, a causa anche del suicidio di sua madre. Il carattere duro gli rimase sempre: sarcastico e severo con Stanley Ann, sua figlia cominciò presto a distaccarsene e a manifestare una vera e propria insofferenza nei confronti delle sue maniere forti e troppo rozze, della sua eccessiva semplicità intellettuale, dello stile ottuso e maschile con cui conduceva i suoi rapporti familiari.

L’infanzia di Stanley Ann fu ricca di spostamenti: dal Kansas infatti i genitori andarono in California, poi di nuovo in Kansas, poi in varie città del Texas, a Seattle durante l’adolescenza della figlia, e infine a Honolulu, dove decisero di restare. Il padre aveva intrapreso affari di vario tipo, con un’alternanza di sucessi e insuccessi, per poi mettersi a commerciare mobili alle Hawaii. La madre lavorò sempre in banca, e a Honolulu divenne direttrice di un’agenzia bancaria. La coppia non aveva grandi interessi nella religione, anche se il padre cercò di convincere sua moglie Madeleine, detta Toot, a convertirsi alla congregazione Unitaria Universalista, un gruppo religioso che mescolava le scritture di cinque religioni diverse, con un argomento economico: “E’ come avere cinque religioni al prezzo di una!”. Ma infine fu dissuaso da sua moglie, la quale protestò che la religione non era come un supermercato. I numerosi spostamenti avevano fatto dei genitori di Stanley Ann una tipica coppia americana di ordinary outsiders, gente ordinaria, che si sposta per ragioni di soldi, che si sente profondamente americana nei valori, ma non sente radici particolari in nessun posto. Era una coppia comunque tollerante, il padre si considerava un bohème perché ascoltava jazz, scriveva poesie la domenica e non aveva paura di enumerare qualche ebreo tra i suoi più cari amici. La questione razziale non si era mai posta nella loro vita. La vita dei neri e dei bianchi nelle città che toccarono nel loro peregrinare era talmente segregata che per la maggior parte degli americani di quella generazione era un problema inesistente.

Stanley Ann cresceva solitaria, passava interi pomeriggi a leggere libri presi in prestito nella biblioteca del quartiere. Amava le lingue straniere, i romanzi europei e il Manifesto di Carlo Marx. A dodici anni, il primo trauma di intolleranza sociale. Arrivati in una cittadina del Texas, Stanley Ann diventa amica di una ragazza nera, figlia di vicini. I genitori non hanno nulla da obiettare, ma i compagni di scuola cominciano a prenderla in giro. Lo scherno diventa sempre più pesante, fino a diventare una vera e propria emarginazione. Toot, nonna di Obama, si ricorda della volta in cui trovò le due ragazze sdraiate in giardino, a guardare il cielo silenzione, mentre dalla cancellata che circondava il piccolo pezzo di terra i compagni di scuola e i ragazzi del quartiere urlavano ingiurie e insulti: “Nigger lover” strillavano a Stanley Ann, ad insinuare che la loro amicizia avesse connotazioni sessuali, unica ragione di attrazione per il diverso, come se il contatto con il nero non potesse che rappresentare un fantasma sessuale, un’alterità selvaggia e un desiderio rimosso nel puritanesimo wasp dell’America Anni Cinquanta.
Il Texas violento, intollerante e conformista non piace neanche ai genitori, che decidono di trasferirsi a Seattle, nuova frontiera economica dell’estremo Ovest degli Stati Uniti. La città è più aperta e accogliente, Stanley Ann fece a Seattle tutta la scuola superiore. Marine Box, la sua migliore amica all’epoca la ricorda come la più brillante delle studentesse, non tanto per i risultati scolastici, ma per la sua capacità di pensare da sola, di non piegarsi ai cliché e ai conformismi culturali del suo paese. Si professava atea per esempio, scandalizzando così i compagni di classe.

Quando i genitori si trasferiscono alle Hawaii, Stanley Ann si iscrive all’università di Honolulu. Nonostante le durezze del padre, il suo incontro con Barack Obama senior non è ostacolato dai genitori: lo invitano subito a cena, pensando che quel ragazzo si senta solo, così lontano da casa. Ovviamente le gaffes sono tante, data la poca dimestichezza con la gente di colore: il padre gli chiede subito se sa cantare e ballare, e la madre gli dice che assomiglia così tanto a Harry Belafonte. Ma Barack sr. non si lascia intimidire, anzi, una sera a una festa canta davanti a tutti, senza perarltro avere una gran voce, ma la sua sicurezza e il suo carisma sono percepiti da tutti. E’ un uomo fiero delle sue origini africane, figlio di un capo, che non ha mai subito le umiliazioni dei neri americani e non sente il peso del colore della sua pelle in quell’America violenta, segregata, ma ancora ingenua sulle questioni razziali, che non si è ancora confrontata con le Black Panthers, con i movimenti di rivolta e di costruzione dell’identità afro-americana.

Appena dopo la nascita di Obama Hussein, il padre è selezionato dalle migliori università americane e decide di proseguire i suoi studi a Harvard. Stanley Ann non ha voglia di seguirlo nel Massachussets: è felice del suo bébé, pienamente soddisfatta, ma non si vede in una vita di moglie di un politico kenyota. Sa che il destino di suo marito è segnato, che dovrà rientrare in Kenya, perché il suo successo negli Stati Uniti è un esempio per tutta una nazione, perché è per questo che è stato mandato a studiare in America. Decidono di separarsi in amicizia, Barack sr. viene da una cultura poligama, e quindi sa bene che la sua vita di marito e padre non finisce lì. Stanley Ann è sufficientemente sicura di sé e felice di quel figlio meticcio da tornare a Honolulu senza complessi, e riprendere i suoi studi. Riesce a ottenere una laurea in matematica e un master in antropologia nel 1967. Nello stesso anno, incontra un altro studente straniero, Lolo Soetoro, un ragazzo indonesiano piccolo, bruno e gentile, che comincia a frequentare casa Dunham. Toot, la madre di Stanley Ann, gioca a scacchi con lui ogni sera, e lo prende in giro perché “Lolo” in hawaiano significa “pazzo”. Ma di pazzo questo ragazzo non ha nulla; è estremamente cortese, affettuoso con il piccolo Barry e decisamente innamorato di quella giovane donna stravagante e avventurosa. Le propone di sposarlo, e di trasferirsi con lui a Jakarta. Stanley Ann accetta e parte con suo figlio per l’Indonesia alla fine del 1967, negli anni dell’irresistibile ascesa di Suharto al potere, delle purghe anti-comuniste e del declino del vecchio presidente, fondatore dello stato, Sukarno. Stanley Ann trova lavoro all’ambasciata americana, dove spesso porta con sé il suo bambino, che passa le giornate nella biblioteca dell’ambasciata a leggere la rivista Life. Gli parla di politica, di geografia, di relazioni internazionali. Lolo racconta a Barry i miti indonesiani, il grande Hanuman, dio scimmia e guerriero invincibile contro i demoni. L’ateismo comunista del governo Sukarno viene ben presto sostituito con una nuova ondata religiosa sotto Suharto. A scuola si studia la religione musulmana: l’Indonesia è il più grande paese convertito all’Islam. Barry è esposto a tutte queste influenze, tutte queste culture. Non ha problemi di appartenenza razziale: lui una razza non ce l’ha, è un cittadino del mondo, è curioso come sua madre, interessato alla differenza, sicuro di sé e completamente a suo agio nella normalità quotidiana che è il clan multietnico della sua famiglia ricomposta. Nel 1970 nasce sua sorella, Maya Kassandra Soetoro. Barry va a scuola, ma la sveglia per lui è alle tre della mattina, quando sua madre entra in camera sua sulle note di Mahalia Jackson, gli legge la biografia di Malcolm X, gli fa ascoltare i discorsi del reverendo Martin Luther King, insomma, gli inculca di forza un senso di appartenenza alla cultura afro-americana, che sta prendendo piede negli Stati Uniti, sta trovando una forma politica, un’identità comunitaria e un linguaggio.

Barry deve saper essere tutto: americano, nero, bianco, cosmopolita, perché questo è il suo futuro, questo è il sogno azzardato e visionario di sua madre. Quando il matrimonio con Lolo inizia a vacillare, Barry viene rimandato un anno dai nonni alle Hawaii. E’ lei che lascia Lolo, perché lui desidera avere altri figli. Presto anche Stanley Ann e Maya rientrano a Honolulu, e il clan si ricompone questa volta senza mariti, ma con i due figli e i nonni Dunham. I genitori di Stanley Ann si dedicano con amore al piccolo Barry, ma, a differenza di quello che si è letto sui giornali, non sono loro ad educarlo: è la madre che veglia sulla sua educazione, lei che, una volta rientrata alle Hawaii, ha ripreso gli studi per riuscire finalmente ad ottenere un dottorato in antropologia a cinquant’anni, nel 1992. Sceglie come terreno di ricerca la società rurale indonesiana, che le dà occasione di ritornare spesso in Indonesia, affinché sua figlia Maya possa vedere suo padre, con il quale ha mantenuto buoni rapporti di amicizia. Nel 1977 decide di fare un soggiorno più lungo, sempre per la sua ricerca. Andrà sola con Maya, perché Barry preferisce terminare la scuola negli Stati Uniti.

La carriera di Stanley Ann intanto si sviluppa in una nuova direzione: si occupa di sviluppo rurale, di progetti di microcredito per le donne indonesiane per varie agenzie e banche internazionali. La sua vita, la sua esperienza di donna e di madre di due figli multietnici è diventata il terreno della sua crescita intellettuale, le ha fatto capire cose che altrimenti non avrebbe visto sulle differenze sociali e culturali, sulla condizione delle donne, sulla condizione delle minoranze etniche. La sua autobiografia è il suo campo di sperimentazione, è insieme osservatrice e protagonista del mondo che si trasforma e si globalizza. Ma il suo entusiasmo e la sua carriera vengono stroncati di lì a poco da un cancro alle ovaie, che la uccide a cinquantatré anni, nel 1995.

C’è da chiedersi quanto ci sia di questa donna indipendente, autorevole e coraggiosa nell’obamania che ha preso il mondo intero durante le elezioni americane. Il nuovo che Obama rappresenta non è forse solo la sua pelle scura, ma anche quella sua profonda capacità di comprendere e di conciliare gli opposti che solo un uomo che ha accettato l’esempio e l’autorità di una donna può avere. Obama è di una generazione nuova perché è figlio di una donna autorevole intellettualmente, perché può avere una madre come esempio invece di un padre, perché è intriso di valori femminili di tolleranza e comunione. Obama è il prodotto di questa donna, ed è il suo più gran successo. Certo, durante la campagna elettorale era meglio tenere il ricordo di Stanley Ann lontano dalle luci della ribalta, e raccontare la storia del bambino nero allevato dai nonni del Kansas. Ma ora che Obama è presidente, ci sarà occasione finalmente di rendere onore a chi questo figlio perfetto se l’è inventato, curato ed allevato per farne l’icona del mondo che verrà e che lei non vedrà.

Sunday, November 09, 2008

Les invasions barbares - The Barbarian Invasions - Le invasioni barbariche

Watch Gloria in tv at Le Invasioni Barbariche


On Friday night, November 7th, I was at the Italian tv to present my first "literary" book, La figlia della gallina nera a sort of memoir of my childhood through the words of my family in Milano, Italy.

The discussion was quite tough, at least from my side. I was facing a very well known in Italy and totally unknown abroad Italian psychoanalyst. Well, my roughness was due to inexperience! Once you have dedicated half of your life defending yourself from the linguistic attacks of the most brainy and almost totally male community in the Academy - analytical philosophers - an Italian psychoanalyst is a light "aperitivo" easy to swallow in less than 10 seconds.

Tuesday, November 04, 2008

My perfect day

Barak Obama has won the elections on November 4th, my son's 8th birthday. This morning the world seems a better place to be.

Tuesday, October 07, 2008

Mourir de philosophie



Le dernier ouvrage de Marie-Claude Lorne


Marie-Claude Lorne est morte. Elle s’est jetée dans la Seine il y a un peu près deux semaines. La police a retrouvé le corps vendredi. Elle a choisi le pont Simone de Beauvoir, à coté de la nouvelle Bibliothèque Nationale, pour prendre son envol. Je la connaissais depuis plus de dix ans : on s’était rencontrées à Paris, dans le laboratoire d’épistémologie où on étudiait toutes les deux. Les mêmes sujets : les approches biologiques du langage, le sens des mots dans l’évolution de l’espèce humaine, des thèmes fascinants qui n’intéressent personne.

Toutes les deux fascinées par une philosophe, femme elle aussi, très peu connue en France et en Italie, d’où je viens. Ruth Millikan à l’époque nous avait fait rêver. Peut-être parce qu’il y avait si peu de femmes philosophes dont s’inspirer, des femmes qui pouvaient fasciner par leur pensée et non pas par le fait d’être des femmes. Mais aussi parce qu’ elle proposait une vision radicalement différente du langage, une vision biologique d’une langue nécessaire, générée par les interactions de tous les jours de tous temps, stabilisée par le besoin de se coordonner comme des abeilles pour vivre ensemble. Je pense que ça nous fascinait car c’était une vision plus chaude, plus incarnée du langage comme d’une fonction organique, plus proche du battement du cœur que des caprices de la raison. Le langage non plus comme objet cartésien, forme publique de la pensée, mais comme objet biologique, vivant, pulsant, forme publique et privée en même temps de la vie. Au fond, à y repenser maintenant, c’était une vision tout simplement plus féminine.

Marie-Claude avait fait des études difficiles, une carrière difficile, en poursuivant parfois une excellence dont les standards sont établis ailleurs et négligés, ou parfois méprisés, en France. Trop française pour le jeu de massacre des carrières philosophiques internationales, trop intelligente pour se contenter de la scène intellectuelle provinciale et auto-référentielle de son pays. Comme beaucoup parmi nous, à jouer ce jeu, on devient étrangers, marginaux partout.

Marie-Claude s’est jetée du pont Simone de Beauvoir seule, désespérée après la nouvelle que la titularisation à son poste de maître de conférences lui avait été déniée. Elle était déprimée, bien sûr, comme souvent le sont les gens qui font ce type de métier, car peut être c’est une vocation des esprits souffrants, ou parce qu’on devient facilement déprimés lorsqu’on est intelligents et méprisés. Et Marie-Claude était une femme intelligente et passionnée par les idées.

Une femme seule, à l’âge où on commence à faire des bilans, à s’interroger sur le sens qu’on peut donner à sa vie. J’aurais voulu être à coté d’elle ce soir là, pour lui dire que le sens n’existe pas, qu’il n’y a pas des tribunaux qui peuvent juger une vie réussie ou une vie ratée, qu’un moment de satisfaction intellectuelle, comme un instant d’amour ou de plaisir suffisent à donner le seul sens des nos vies, leur sens biologique. Mais je n’étais pas là. Au revoir Marie-Claude, je ne t’oublierai pas.

Tuesday, September 30, 2008

Sagesse en réseaux. Designing wisdom




An article on Collective Wisdom on the web published in English and French by the French magazine
La vie des idées.

You find the online text here

Friday, September 19, 2008

La fine del convegno



Assorta nei miei pensieri durante un’interminabile sessione pomeridiana di un recente convegno, rifletto sulla saga di Star Wars, il mio film preferito. Ecco la chiave filosofica di quella mia passione cinematografica : siamo uomini del pleistocene, con istituzioni medievali e tecnologie futuriste ! Mi guardo attorno : gli astanti fanno fatica a tenere gli occhi aperti, vittime della stanchezza animale della digestione del pranzo consumato a mezzogiorno. Il rito delle presentazioni Power Point va avanti spietato : i conferenzieri si alternano sulla scena, davanti agli occhi vacui e a mezz’asta del pubblico. L’atmosfera è pesante, manca l’aria, la noia insopportabile. Ad un tratto, un sussulto : il pubblico si accende davanti allo scorrere di un video. Ma la scossa è breve e il sonno ripiomba rapidamente sulla platea. Alla pausa caffé i partecipanti si rianimano, si inseguono l’un l’altro, si scambiano biglietti da visita. Le conversazioni sono concitate, non bisogna perdere nemmeno un istante perché dopo saremo riassorbiti dal rito medievale della pubblica declamazione e non potremmo più scambiare nemmeno un sorriso.

Rientro in sala affranta all’idea di altre due ore di oratoria. Accendo il computer per restare sveglia, ed ecco che si apre una breccia di speranza: la connessione WiFi funziona! Comincio freneticamente a potenziare il mio ascolto: cerco on line informazioni su quello che l'oratore americano racconta, apro i siti che sta mostrando, insomma, sono viva di nuovo, e partecipo attivamente alla creazione di un sapere realmente condiviso. E, dato che immagino che il professore in questione una connessione ce l’abbia anche nel suo ufficio, mi chiedo: perché abbiamo fatto complessivamente più di seimila kilometri ad altissimo costo per trasmetterci informazioni che avremmo potuto scambiarci istantaneamente e a costo zero seduti nelle comode poltrone dei nostri uffici? Di colpo una certezza mi assale, il disincanto epistemologico è inevitabile: il convegno accademico non ha più alcun senso. E’ il sopravvivere di un antico rituale a mezzi tecnologici che ne hanno spazzato via ogni funzione, o quasi.

Ogni innovazione tecnologica mette in questione legittimazioni istituzionali esistenti. L’invenzione della stampa, e la conseguente diffusione della Bibbia stampata nel XV secolo, misero in questione il monopolio della Chiesa sulle sacre scritture, partecipando così all’avvento della Riforma. Un cambiamento di formato nella produzione e nella diffusione del sapere può rendere evidente l’obsolescenza di un’istituzione la cui funzione era stata proprio fino a quel momento di produrre e diffondere quel sapere. Così è successo per i convegni nell’era di Internet. Più del 60% del budget della Commissione Europea per la ricerca in scienze umane è consumato per viaggi e rimborsi di hotel : una mostruosa agenzia di viaggi che assorbe come un buco nero i fondi destinati alla ricerca. Il tempo allocato ad ogni intervento è comunque troppo poco, la comunicazione spesso difettosa, la sottodeterminazione tra la succinta presentazione e l’effettivo contenuto della ricerca immensa. La sessione di domande è quasi sempre mal gestita : la timida studentessa esita ad alzare la mano davanti al vecchio collega dell’oratore che si concede il solito show polemico. Le domande vengono fraintese, le risposte frammentate, il moderatore interrompe quasi sempre la discussione prima che si sia arrivati al punto con una frase di circostanza : « Forse è meglio continuare questo dibattito durante la pausa caffé ». Ma alla pausa caffé si farà tutt’altro, anzi, si farà finalmente quello che i convegni oggi hanno l’unica funzione di fare : networking.

Ma allora perché questo spreco di risorse, i pasti indigesti, le teste che si piegano sul mento, quando oggi, a basso costo, potremmo condividere risorse, discuterle, commentarle, valutarle insieme, fare tutto il lavoro che rende i convegni pesanti, noiosi e costosi per poi invece ritrovarsi leggeri e gravidi di idee per un evento sociale di vera conversazione e condivisione ? Un qualunque blog su WordPress permette di discutere articoli on line, mostrare video, chattare e commentare il lavoro scientifico degli altri. Il filtraggio collaborativo di siti come CiteULike permette di condividere risorse bibliografiche, sapere istantaneamente chi legge gli stessi articoli che stiamo leggendo e costruire comunità di conoscenza nuove, più appropriate e veramente corrispondenti ai nostri interessi. La rivoluzione di Internet è spesso vista come un rischio per la comunicazione scientifica « seria », un’introduzione di troppe voci nel vecchio rituale del consesso degli esperti. Ma se riuscissimo a utilizzare queste risorse per rendere efficiente il sapere, per condividerlo anche nella stretta comunità degli accademici, facendone un uso intelligente, forse questo contribuirebbe anche a cambiare l’immagine di un’accademia vecchia e legata a rituali obsoleti e fare evolvere dolcemente, senza rivoluzioni, le istituzioni ormai esangui del sapere.

La figlia della gallina nera




My new book, an autobiographical lexicon on the history of my Milanese childhood, is now out in Italy. Here's a review appeared in Il Corriere della Sera two days ago.

Elzeviro Un «lessico famigliare» milanese

VEDI ALLE VOCI BRU BRU E COCORITE

«Echi sono io? La figlia della gallina nera?» è un modo di dire che i lettori di certo conoscono: sottolinea un sopruso o una negligenza che in qualche modo ci riguarda. È il titolo del libro curioso e avvincente di Gloria Origgi, filosofa italiana che vive a Parigi (appunto La figlia della gallina nera, edizioni Nottetempo, pagine 125, 12,50). È una nuova specie di lessico famigliare che da privato fa presto a diventare pubblico, un' opera oltremodo femminile, come sottolinea anche la dedica «Alla memoria di mia madre. Per la memoria di mio figlio». «Le parole si portano dietro non soltanto la nostra storia, ma la storia di un' epoca, di un ambiente sociale, di una cultura», avverte l' autrice; «ho cominciato a scriverle e, pian piano, sono riemerse le persone, le atmosfere, i dolori della mia infanzia milanese». L' infanzia - e quindi la città - è quella degli anni Settanta, come si evince da una delle rare date (manca anche quella anagrafica dell' autrice) presente nella voce «Pigotta», la bambola di pezza confezionata dalla nonna per il Natale 1974: «... Non credevamo a Babbo Natale. Ma il laicismo non toglieva nessun incanto a quei natali all' alba, con mia madre addormentata in vestaglia e io e mia sorella stordite dall' ebrezza di scartare decine di pacchetti che ricoprivano il salotto di via Montenapoleone». Era, la sua, una Milano ricca, borghese. E anche «Comunista»: «Mio padre era iscritto al Pci dal 1948. Ascoltava jazz, frequentava le cineteche, leggeva Vittorini Durante una manifestazione operaia fu preso a manganellate in via Manzoni e salvato dal padrone del Don Lisander, il suo ristorante preferito. Lasciatelo stare, è il dottor Origgi!, e questo "dottor" l' aveva fatto identificare per un semplice esponente della borghesia rossa milanese». E così tra «Bru bru», «Cocorite», «Cose turche», «Esproprio proletario», «Mammalucco», «Signorina tu mi stufi», «Cosa mi guardi con quella faccia da sperduto di Allah?», «Refugium peccatorum» si arriva alla voce «Sotto quella dura scorza batte un cuore di pietra». Era il motto prediletto della madre, che rovesciava la tendenza del libro «Cuore», «allora dominante nella morale italiana della mia infanzia, per cui anche nel profondo dell' anima di un nazista a guardar bene batte un cuore d' oro». Lei sosteneva invece che perfino «la Milano-dal-cuore-in-mano decantata dai vecchi milanesi era più che altro un mito consolatorio per gli abitanti di una città spietata». E aggiungeva che la sua descrizione più appropriata si trova forse nel libro del grossetano e anarchico Bianciardi La vita agra. E noi la ringraziamo per averci ricordato un libro che oggi, dopo quarantasei anni, è ancora di scottante attualità, e uno scrittore che «pagò con la vita quella mancanza di cuore tutta lombarda».

Giulia Borgese

Pagina 43
(16 settembre 2008) - Corriere della Sera

Thursday, July 03, 2008

A softer science. Reply to Chris Anderson's Wired article on The End of Theory





Draft. Do not quote. Published in the EDGE Summer Colloquium on Chris Anderson's Wired piece on The End of Theory


I agree with Daniel Hillis that Chris Anderson's point, although provocative and timely, is not exactly breakthrough news. Science has always taken advantage of correlations in order to gain predictive power. Social science more than other sciences: we have few robust causal mechanisms that explain why people behave in such or such a way, or why wars break out, but a lot of robust correlations - for which we lack a rationale - that it is better to take into account if we want to gain insight on a phenomenon. If the increase of child mortality rates happened to be correlated with the fall of the Soviet Empire (as it has been shown) this is indeed relevant information, even if we lack a causal explanation for it. Then, we look for a possible causal mechanism that sustains this correlation. Good social science finds causal mechanisms that are not completely ad hoc and sustain generalizations in other cases. Bad social science sticks to interpretations that often just confirm the ideological biases of the scientist.

Science depicts, predicts and explains the world: correlations may help prediction, they may also depict the world in a new way, as an entangled array of petabytes, but they do not explain anything if they aren't sustained by a causal mechanism. The explanatory function of science, that is, answering the "Why" questions, may be just a small ingredient of the whole enterprise: and indeed, I totally agree with Anderson that the techniques and methods of data gathering may be completely transformed by the density of information available and the existence of statistical algorithms that filter this information with a tremendous computing capacity. So, no nostalgia for the good old methods if the new techniques of data gathering are more efficient to predict events. And no nostalgia for the "bad" models if the new techniques are good enough to give us insight (take AI vs. search engines, for example). So, let's think about the Petabyte era as an era in which the "context of discovery", to use the old refrain of philosophy of science, is hugely mechanized by the algorithmic treatment of enormous amounts of data, whereas the "context of justification" still pertains to the human ambition of making sense of
the world around us. This leaves room for the "Why"-questions, that is, why are some of the statistical correlations extracted by the algorithms so damn good? We know that they are good because we have the intuition that they work, they give us the correct answer, but this "reflective equilibrium" between Google ranked answers to ourqueries and our intuition that the ranking is satisfying is still in need of explanation. In the case of PageRank, it seems to me that the algorithm incorporates a model of the Web as a structured social network in which each link from a node to another one is interpreted as a "vote" from that node to the other. This sounds to me as "theory", as a method of extraction of information that, even if it is realized by machines, is realized on the basis of a conceptualization of reality that aims at getting it right.


A new science may emerge in the Petabyte era, that is, a science that tries to answer the question of how the processes of collective intelligence made possible by the new, enormous amount of data that can be easily combined by powerful algorithms are sound. It may be a totally new, “softer” science, uninhibited at last by the burden of the rigor of "quantitative methods", that make scientific papers so boring to read, that leaves to algorithms this burden and lets the minds free to movearound the data in the most creative way. Science may become a cheaper game from the point of view of the investment for discovering new facts: but, as a philosopher, I do not think that cheap intellectual games are less challenging or less worth playing.

Friday, June 20, 2008

Take the Talking Cure

Article published in the New Statesman, June 19th 2008.

Gloria Origgi on why a second language is the best antidote to intolerance

By rejecting the Lisbon Treaty, Ireland's voters may have thrown the European Union into cri sis, but in a more profound way I am optim istic about Europe. A while ago, I took the train from Paris to Brussels for a meeting at the headquarters of the European Commission. The train was full of people my age - the late thirties - going to Brussels to participate in various EU projects.

I started chatting with my neighbours. Most of the people I spoke with came from more than one cultural background, with two or more nationalities in the family. All of us were at least bilingual, many trilingual or more. My neighbours epitomised the deep cultural change now taking place in Europe. A new generation has grown up, of people born more than a quarter of a century after the end of the Second World War and now moving around Europe to study and work - meeting, dating, marrying and having children with people from other European countries and doing so as a matter of course.

More and more European children are growing up multilingual. They are unlike immigrants born in one culture and having to grow up in another. They are unlike children growing up in a monolingual, monocultural family that happens to be located in a wider multicultural en vironment. For these children, cultural and linguistic diversity is not just a part of the society at large, it is a part of themselves, a novel kind of identity. Multilingualism is becoming an existential condition in Europe, good news for a continent in which national identities have been so powerful and have caused so much tragedy and pain in the past.

This condition also affects our cognitive life. Recent research in developmental psychology shows that bilingual children are quicker to develop an ability to understand the mental states of others. A likely interpretation of these findings is that bilingual children have a more fine-grained ability to understand their social environment and, in particular, a greater awareness that different people may represent reality in different ways. My bilingual six-year-old son makes mistakes in French and Italian but never confuses contexts in which it is more appropriate to use one language than the other.

I believe that European multilingualism will help produce a new generation of children whose tolerance of diverse cultures will be built from within, not learned as a social norm.

All this may be wishful thinking, projecting my own personal trajectory on the future of Europe. But I can't help thinking that being multilingual is the best and cheapest antidote to cultural intolerance, as well as a way of going beyond the empty label of multiculturalism by experiencing a plural culture from within. And, of course, this is not just a European issue.

Gloria Origgi is an Italian philosopher based in Paris. Taken from "What Are You Optimistic About?" (edited by John Brockman, Pocket Books)

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Thursday, June 12, 2008

What's in my Common Sense?
















Draft. Do not quote. A version of this paper will appear in the October 2008 issue of the review The Philosophical Forum.

“I believe that I have forbears, and that every human being has them. I believe that there are various cities, and, quite generally, in the main facts of geography and history. I believe that the earth is a body on whose surface we move and that it no more suddenly disappears or the like than any other solid body: this table, this house, this tree, etc.” [Wittgenstein, On certainty, §234)

“We are all, I think, in this strange position that we do know many things, with regard to which we know further that we must have evidence for them, and yet we do not know how we know them” [Moore, 1959]


In his famous paper In defence of commonsense (1959) G.E. Moore starts with a long list of what he calls commonsensical propositions that he holds true :

  1. There exists at present a living human body, which is my body.
  2. This body was born at a certain time in the past
  3. Ever since it was born, it has been either in contact with or not far from the surface of the earth
  4. There have existed some other things of this kind with which it was in contact
  5. Among the things which have, in this sense, formed part of its environment there have, at every moment since its birth, been large numbers of other living human bodies
  6. But the earth had existed also for many years before my body was born; and for many of these years, also, large numbers of human bodies had, at every moment, been alive upon it; and many of these bodies had died and ceased to exist before it was born.
  7. I am a human being, and I have, at different times since my body was born, had many different experiences, of each of many different kinds.
  8. I have often perceived both my own body and other things which formed part of its environment, including other human bodies
  9. I have not only perceived things of this kind, but have also observed facts about them, such as, for instance, the fact which I am now observing, that that mantelpiece is at present nearer to my body than that bookcase
  10. I have been aware of other facts, which I was not at the time observing, such as that my body existed yesterday
  11. I have had expectations with regard to the future, and many beliefs of other kinds, both true and false
  12. I have thought of imaginary things and persons and incidents, in the reality of which I did not believe
  13. I have had dreams and I have had feelings of many different kinds.

These are propositions that according to Moore are commonsensical, that is, are believed and held true by every “regular” or, one could say, “commonsensical” human being. There are subtle debates among philosophers about the epistemological status of these kinds of propositions, whether we know them (as Moore claims) or just believe them to be true while knowing that they are partly false; how do we know them etc., whether they have a special status, an ear-mark, as Thomas Reid thought, that distinguish them from other kinds of beliefs or propositions…

But what strikes most at a first glance in Moore’s list is the heterogeneity of the propositions he accepts in his commonsense:

Some of them, like 1 and 7 are expressed in the form of first-person thoughts (I imagine that Moore would have consented to rephrase 1 as: “I am alive”) the evidence of which is based on one’s present self-awareness. Others, like 8, 12 and 13, are again first-person thoughts, but this time believed on the basis of memory, whereas 3, 9 and 10 are factual statements whose evidence is based on something I may discover by observing myself instead of a direct self-awareness. I find 2 and 6 even more surprising to cast in the “commonsensical” category: the fact that one is born sometime is something one is told about. Many people don’t even know exactly when they were born: before the mass diffusion of hospital births, in which the exact time is recorded in the official acts of birth, birth of children was vaguely reported days or months after by the parents. Memories of the event are usually very, very costly to recollect: maybe after an entire life of psychoanalytic training one is able to go back to that. And I can imagine a commonsensical belief in another culture that people are not born but brought to Earth from another planet (actually, to conceive such a belief, I do not need to think of a very exotic culture: when I was 8 years old, I found the personal diary of my 10 years old sister in which she was writing every night about how kind we all were with her even if she was not the daughter of my parents, but an extraterrestrial creature coming from a planet called Happiness). Proposition 6 strikes as even more controversial. This seems a genuine piece of testimonial knowledge, or, more exactly, historical knowledge, that I’ve acquired through some instructor at a certain point in my childhood, usually around the age of five or six, when some folk-historical concepts start to develop in children that are reinforced by school-learning. But, surely, I believe it for reasons that are quite different from the other propositions in Moore’s list. Certainly, no direct experience is involved in 6.

This apparently idle analysis of Moore’s commonsensical shows that even in the conception of one of the most enthusiastic philosophers about commonsense, this notion seems to point to a very weird philosophical kind. Pieces of self-awareness, of experiential knowledge, memories, testimonial beliefs and “common-knowledge” beliefs that are cheaply acquired in each culture seem to float freely together without any clear conceptual tie to connect one to the other. The general glue that makes these things stick together seems to be the idea that “Anyone who has a drop of commonsense would obviously believe them”. Commonsense in philosophy thus seems to be a rather “commonsensical” notion that doesn’t capture any real psychological kind.

In the history of philosophy, the expression has been used in a quite ambiguous way:

Common sense, from the Greek words, κοινή (common) αισϑήσις (sensation) was used in two very different ways, sometimes by the same philosopher, who left open - unintentionally or intentionally - a double reading: it may refer to a sort of sixth sense which gathers the various impressions received from the five senses into a common apperception (Aristotle, John Locke, Thomas Reid, Robert Burton)

“Inner Senses are three in number, so called, because they be within the brain-pan, as Common Sense, Phantasie, Memory [...] This Common sense is the Judge or Moderator of the rest, by whom we discern all differences of objects. Ibid. III. xiii, The external senses and the common sense considered together are like a circle with five lines drawn from the circumference to the centre.”

Robert Burton, Anatomy of Melancholy, 1621 I. i. II. vii.

For Locke, each of the senses gives an input that has to be integrated in a single impression. Commonsense is the result of this integration, the sense of things in common between disparate impressions.

And, at the same time, commonsense refers historically to an average experiential/practical knowledge dependant on a universal human κοινή. Κοινή in Greek was in fact used to refer to the average language spoken by Greeks, a mixture of dialects that established the Attic variant of Greek as the common one. Commonsense is then what everyone commonly believes in a community, the wisdom of ordinary language.

And indeed the same ambiguity is found in modern and contemporary philosophical literature on commonsense. Take the anti-skeptical arguments in which commonsense is invoked. In modern and contemporary philosophy, the notion of commonsense was at the centre of various arguments against scepticism, like in Scottish commonsense philosophy. The overall structure of these arguments may be summed up in this way: Look, there are some obvious truths - the realist says - that nobody would deny and that lie at the foundation of philosophical inquiry. But when relativists object to realists that the appeal to a universal κοινή is misplaced, because every culture has its own system of commonsensical beliefs, commonsense philosophers usually reply by appealing to the other meaning of commonsense, that is, commonsense as more than common knowledge, as a special sixth sense that guides us in practical reasoning.

Another ambiguity is the one between two other possible meanings, that is commonsense as good and sane comprehension as opposed to the distorted visions of the mad. A further one is between commonsense as the view of the world of the layman as opposed to the scientist’s image of things.

All these ambiguities are present in Thomas Reid, “earmarks” of commonsense beliefs:

(1) Universally held by mankind

(2) Whose acceptance is reflected in the common structure of all languages

(3) Whose contradictory is not merely false but absurd, and

(4) That is irresistible, so that even those who question them are compelled to believe them when engaging in the practical affairs of life

Note that for Reid these are not epistemological criteria that we need to identify before commonsense beliefs are evident to us. They are automatically self-evident, and the criteria are just a way a posteriori of “marking” commonsense beliefs.

To sum up this excursus, it seems that commonsense beliefs are and have been for long time identified with those beliefs which it is commonsensical to hold. This of course introduces a problem of circularity in the definition (actually, there are few “explicit” definitions of commonsense: philosophers prefer the vagueness of the term so that it can be adapted to very different uses in different contexts).

But today I do not want to address the questions of the epistemological status of commonsense beliefs - questions such as: “do we really know commonsensical propositions and how do we know them?” - rather, I would like to share with you some intuitions about what we accept as “commonsensical” among our beliefs, how we pry apart commonsensical and non-commonsensical propositions, how we “construct” that very special system of irresistible beliefs that constitutes our folk epistemology[1]. As Clifford Geertz says, “There are really no acknowledged specialists in common sense”, neither philosophers, nor psychologists or other scientists. Maybe the layman is the expert in commonsense, but usually the commonsensical layman doesn’t have a cue as to how and why he accepts a stock of beliefs as commonsensical. So, I’ll turn to self-insight and autobiographical report in order to provide a concrete illustration of what’s in my commonsense and try to find out how and why some of my beliefs are for me commonsensical beliefs.

I hope that this will allow me to illustrate some general points:

  • Our folk-epistemology contains very heterogeneous beliefs such as: pieces of learned expertise, vulgar knowledge, proverbs, intuitions, cultural beliefs, perceptual beliefs (the ones we can verify with our eyes and ears), norms of practical reasoning that help us to use these beliefs judiciously and reflectively, hence:
  • Commonsense beliefs can’t be used to separate the Manifest Image from the Scientific Image of the world. There are some pieces of commonsense that are not manifest, as well as others that are scientific.
  • Commonsense beliefs can’t be used either to distinguish between what we know through our eyes and ears and what we know through culture. Both kinds of beliefs can be commonsensical.
  • They are no more unreflective and logically untied than other categories of beliefs (i.e. scientific beliefs or religious beliefs which we accept under authority are highly unreflective and logically untied as well)
  • Still, not any cultural belief can become a part of our folk-epistemology. Cultural as well as cognitive constraints intervene in making a special set of beliefs particularly irresistible.
  • It is not just pervasive cultural influence that is the evidence of validity of a commonsense belief, because we still want to distinguish between religious superstitions and ethnic canards of stereotypes from the belief that if you go out when it’s raining without an umbrella you can catch a cold.
  • What makes us accept some propositions as commonsense beliefs is a complex system of trust in the reputational cues about their source, cognitive constraints on their intuitiveness, and socio-cultural or, as I will claim, conversational constraints on their acceptability in a certain community.

I will use my own personal example as a test for these claims.

What’s in my commonsense?

  1. If I go out in the cold without warm clothing I catch a cold
  2. Olive oil is better for health than butter
  3. A fresh squeezed lemon juice each morning before breakfast prevents you from catching a cold or a flu
  4. Fasting is good for health
  5. Laughing is a cheap and efficacious anti-depressant
  6. I have dreams and these dreams mean something that I can interpret
  7. I have memories and sometimes I repress them
  8. I have a bad character and people around me have characters
  9. I am a woman and this influences my feelings and reactions
  10. There are no intellectual differences between men and women
  11. All that glitters is not gold
  12. Nothing on Earth travels faster than light
  13. Things do not fall just because they are heavy, but because of gravity
  14. I have a heart and a kidney

As you may see, my list is as heterogeneous as Moore’s list, although I won’t exchange mine with his. Actually, I would not include some of the propositions in his list in mine: I think I never thought of other people as other bodies around me - more as other minds, and intentional agents – and I don’t find commonsensical at all to reflect upon the fact that my body was in contact with the surface of the Earth or not far from it since I was born (especially after a week in which I’ve spent more than 20 hours at a distance of about 30 000 feet from Earth!)

My folk-epistemology includes pieces of knowledge that come from very different corpuses and that are tied together by a certain intuitiveness they have, by a certain privileged relation with my sense of certainty or, as I will argue, by the place they have in my everyday conversational practices. It is not their value in practical reasoning, as many have argued, or their capacities of “making a difference to judgement and action” (Shapin 735), that makes them belong to my common sense. Rather, it’s their place in conversation, the default certainty-value they have in our conversational practices, their pragmatic self-evidence that we expect would be evident for our interlocutors too that give them such a special status.

Let’s see in more detail what is the nature of my commonsensical beliefs: (1) is based on my experience as well as on the authority of grand-mothers. (2) is more of a cultural-biased belief that I’ve learned in my Italian education and was subverted when I moved to France: I remember myself staring at my son’s French paediatrician when he told me to add some butter in the soup instead of olive oil because it was “healthier” for the baby… (3) is a very idiosyncratic dietary rule that I inflict to myself on the basis of a number of intuitions about what my body needs in order to be in a good shape and on the personal experience that happens to work very well. (4) and (5) are less idiosyncratic and more diffused pieces of common knowledge, even if (4) seems to be scientifically untenable - whereas I’m not aware of any result that systematically falsifies (5). (6) and (7) are deferential to psychoanalysis - here also as a result of a mixture of acceptance of a certain corpus as admissible in conversation and of personal experience with its techniques. (8) and (9) are based or my folk-theories of personality and gender. Even if any serious psychologist or social scientist would deny (8) and claim that people’s moral behaviour is more a matter of the situation and its opportunities than a matter of character (the recent brilliant book by John Dorris Lack of character is exactly a plea for this idea, or the splendid definition that Scott Fitzgerald gives in The Great Gatsby of personality as “un unbroken series of successful gestures”), I still include an irresistible folk-theory of personality in my everyday way of making sense of the social world around me. The same goes for (9): it packs my folk-theory of gender, even if I believe in (10), that is, that there are no intellectual differences between men and women. (10) of course is a matter of experience, of deference to scientific knowledge and also of a valuable ideology that has a role in defining my identity. (11) belongs to my “proverbial economy”, to use the words of Steven Shapin: “A network of speech, judgement and action in which proverbial utterances are considered legitimate and valuable, in which judgement is shaped and action prompted by proverbs competently uttered in pertinent ways and settings, that is to say a cultural system in which proverbial speech has the capacity of making difference to judgement and action” (Shapin, 2001: 735) So I’m a competent user of (11). (12) and (13) belong to the commonsensical propositions I trust because I trust in modern science, even if they do not have any practical consequence in my everyday reasoning. The last one is even more puzzling: nobody would deny that this is a commonsensical belief, yet my knowledge of it is as indirect as the ones about light and weight. Of course I can take my pulse and interpret its beats, but how I connect it to the presence of an organ called “heart” is a matter of having learned some piece of sophisticated science and not of taking the world as its authority.

In the essay already mentioned at various points today, Clifford Geertz challenges the idea that commonsense beliefs bear a privileged relationship with the immediacies of experience and defines it as a cultural system, an interpretive system that, as art, myths, religion is historically and socially constructed. An indeed the pieces of my commonsense I have shown you belong to my culture: they say a lot about my cultural identity and how I define myself with respect to it. Still, their systematicity is questionable: as I’ve tried to show, intuitive knowledge and learned expertise are clearly mixed up, and the way they relate to the world’s direct authority is not just by taking the reality at its face value. If it were so, then, bodies would fall because they’re heavy and light simply doesn’t travel at all. So the demarcation between the manifest image and the scientific one doesn’t hold to define what is commonsensical. Nor the relative “naturalness” as opposed to the “culturalness” of my beliefs. Cultural beliefs such as the one on the benefits of olive oil can be as commonsensical as more experiential beliefs, such as if I get out in the cold I can catch a cold.

But what Geertz doesn’t say is why these propositions form a cultural system, an interpretive schema of “relatively organized considered thoughts” (p. 75): how do I accept them as commonsensical, or how do they become commonsensical ? Is there a criterion that allows me to filter what enters my folk epistemology?

This is of course a very complicated question that I don’t have the ambition to resolve here. Still, I would like to advance some suggestions about a possible criterion: for a belief to be acceptable in my commonsense it has to be acceptable in those conversational practices which I repute valuable and want to take part in. The boy who responds to his mother who tells him “An apple a day keeps the doctor away” by saying:

“Mother, three NIH studies have shown that on a sample of 458 Americans of all ages there was no statistically significant decrease in the number of house calls by family doctors; no I won’t eat this apple” (Latour, Science in Action: 208) is just refusing a conversation with its rules and epistemic standards, not really challenging his mother’s folk epistemology.

The most authoritative conversation in which all of us are involved from the onset is that with our parents and teachers during our childhood. I have a precise memory of the bookshelves in my father’s library, what was in and what would had never slipped through his severe judgement. The complete works of Freud were there. Words such as repression, super-ego, and unconscious circulated often in conversations. But I never heard a word of astrology or homeopathy in my parents’ house: neither their friends or, later, mine, would have accepted them as themes of conversation. So, I still would have problems in accepting this corpus in a conversation.

Of course our epistemic authorities change as our will to be involved in new conversations evolves, and our epistemic standards are constantly updated. What settles in my commonsense is what is cognitively constrained by my folk theories about the world (such as psychoanalysis, which, as it has been nicely argued by the philosopher Thomas Nagel in a paper entitled “Freud’s permanent revolution” owes its success to its capacity to be an extension of our everyday folk psychology). But at the same time, they are constrained by the reputational value we attribute to some conversational circles we want to be part of, our family, our teachers, and the social milieu which shapes our intellectual and cultural identities. But what we feel as acceptable, as believable, as an irresistible part of our sense of ourselves, is shaped in many ways by what we want to be able to talk about with the people we repute authoritative for us. So, in conclusion, what ties together the weird thoughts that I accept as commonsensical is their contribution to my autobiography, to that unique mixture of feelings, ideas and practices that renders me a unique human being.

Clifford Geerts says that commonsense is “the world in its authority”. I would reformulate its motto in conclusion by saying that it is rather “the word in its authority”.



[1] There are many senses in which expressions such as “commonsense” and “folk- epistemology” may be used, and I do not want to present here a new definition. In this presentation I will use them as synonymous, and will refer to “folk-epistemology” as the system of commonsense beliefs we commonly accept in our everyday understanding of the world.